Même pendant ses jours de repos, Laure* ne baisse pas la garde. "Je limite le contact avec mes enfants et je sors seulement une fois tous les dix jours pour faire mes courses." Depuis près d'un mois, cette aide-soignante vit avec la crainte de contracter le coronavirus.
"J'ai surtout peur de faire entrer le virus dans la maison de retraite où je travaille. Les résidents sont très vulnérables et je sais qu'ils ne seront pas hospitalisés s'ils l'attrapent. C'est une responsabilité lourde à porter."
Pour l'instant, aucun cas n'a été détecté dans l'Ehpad du Nord-Mayenne où elle exerce depuis une vingtaine d'années. "Je croise les doigts pour que ça continue. Je ne sais pas comment je le vivrais. Je crois que je ne rentrerais plus chez moi par peur de contaminer quelqu'un, mais c'est une décision difficile à prendre."
Elle passe voir les résidents pour discuter
C'est avec cette pression que l'aide-soignante continue de prendre soin des résidents, le plus normalement possible.
"Il y a d'abord eu l'interdiction des visites il y a trois semaines, puis le confinement dans les chambres", explique la professionnelle qui fait appel à son imagination pour égayer les journées des pensionnaires âgés de 70 à 100 ans.
Avec ses collègues, elle organisait des animations en petits groupes lorsque c'était encore possible : chant, musique, gym douce... Depuis le confinement total, elle passe les voir pour discuter.
"On veut éviter qu'ils régressent. C'est dur pour ceux qui avaient l'habitude de retrouver les copains pour manger ou ceux qui recevaient des visites quotidiennement. On en autorise certains à prendre l'air dans la cour, sinon ça fait prison."
De nouvelles habitudes s'ancrent peu à peu
Côté moral "l'utilisation du mot guerre par le président les a secoués, assure l'aide-soignante. Ils sont plus inquiets pour leurs proches que pour eux. Surtout ceux qui ont un conjoint encore à la maison."
Alors pour prendre des nouvelles, le personnel propose des appels visio. "Ça demande de réorganiser notre journée de travail : on doit convenir d'un rendez-vous avec la famille puis rester pour tenir la tablette et même assurer les conseils techniques car les enfants des résidents ont parfois 75 ans et ne maîtrisent pas WhatsApp, sourit l'aide-soignante. Mais ça fait du bien à tout le monde, et on assiste à des échanges émouvants."
"On fait notre travail, point"
De nouvelles habitudes qui s'ancrent peu à peu. "On prend désormais notre température et celle des résidents tous les jours, on porte des masques et on désinfecte tout, on en devient presque parano !"
"Les résidents se rendent compte de la charge supplémentaire de travail que ça nous demande, ils sont reconnaissants."
Quant à l'utilisation du terme "héros", "ça m'horripile d'entendre ça. On fait notre travail, point."
*Le prénom a été modifié
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