Au tribunal de grande instance de Laval (Mayenne), les couloirs sonnent creux. L’activité est ralentie à cause du confinement et le retard prend de l’ampleur. Le point avec Sabine Orsel, présidente du TGI.
Le fonctionnement
« On a maintenu le traitement des affaires urgentes. Tous les magistrats sont en télétravail. Les magistrats travaillent sur des dossiers déposés par les avocats, ils rédigent les décisions même si elles ne seront formalisées qu’après le confinement. La moitié des magistrats est d’astreinte et se déplace au tribunal chaque semaine en fonction des nécessités : pour tenir les comparutions immédiates, traiter les ordonnances de placement provisoire en urgence pour les juges des enfants, statuer sur les aménagements de peines.
En matière pénale, dans les dossiers urgents, le traitement est immédiat. En matière de violences intrafamiliales, il y a une réponse systématique du parquet, avec souvent une décision de déferrement avec placement sous contrôle judiciaire. Il y a aussi en moyenne une comparution immédiate par semaine. Plusieurs ordonnances de placement ont été prises en urgence pour des mineurs pour lesquels la situation familiale se dégradait. On a traité quelques requêtes en matière de tutelles. Les demandes urgentes peuvent être formulées sur le mail tgi-laval@justice.fr. »
Le retard accumulé
« Entre la grève des avocats et le confinement, cela va faire quatre mois d’audiences supprimées. Pendant la grève, certaines audiences se tenaient, parfois partiellement. Pendant le confinement, en matière pénale, on a jugé seulement deux dossiers au tribunal pour enfants et deux dossiers en correctionnelle pour lesquels il y avait des détenus. Si on va jusqu’au 11 mai, cela représente une quinzaine d’audiences pénales annulées. Devant le juge des affaires familiales, ça représente 18 audiences, soit quasiment 230 dossiers de toutes natures à reconvoquer. En assistance éducative, à peu près 150 mesures devaient arriver à échéance durant la période de confinement et ont été prolongées automatiquement jusqu’à la fin du mois de juillet. Ça va doubler la charge de travail des juges des enfants, même chose pour les juges des tutelles. »
Baisse de la délinquance
« L’activité pénale est une toute petite partie de l’activité du tribunal. Tout compris, on est sur moins de 200 dossiers. C’est important en termes d’ordre public, mais dans notre activité, ce n’est pas ce qui pèse le plus. Dans le pôle social par exemple (les gens en conflit avec la sécurité sociale pour faire reconnaître une maladie professionnelle, etc.), trois audiences ont été annulées, ce qui représentait 135 dossiers. »
Au retour du confinement
« Les effectifs du tribunal sont à peu près en permanence de 15 à 20 % de moins que ce qu’ils devraient être. Avec nos moyens actuels, on ne pourra pas rattraper le retard. On va faire des choix. Des contentieux vont être laissés de côté, sans doute plutôt des contentieux civils. Malheureusement sans doute aussi les procédures collectives : le tribunal judiciaire est compétent en matière de “faillites” pour les agriculteurs et une bonne partie des professions libérales. On craint fort qu’il y ait des gens en difficulté par rapport à ça. On est aussi inquiets pour la situation du barreau et les partenaires de justice. Les avocats peuvent facturer les clients quand les décisions sortent, et là elles ne sortent pas. J’espère que des fermetures de cabinets ne seront pas à craindre, même si c’est une réalité. Le barreau est mobilisé face à cette crise et remplit parfaitement son rôle. »
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