C'est la période des foires aux vins dans les grandes surfaces en France. Comment faire de bonnes affaires ? Jean-Luc Pouteau, meilleur sommelier du monde 1983, originaire de la Mayenne, délivre ses précieux conseils. Suivez le guide.
Actuellement, les foires aux vins battent leur plein. Les enseignes hard-discount s’y intéressent de plus en plus et se lancent elles aussi dans ce secteur. Qu’en pensez-vous ?
Jean-Luc Pouteau : Le vin n’y est pas cher, effectivement. C’est simplement offrir l’opportunité de boire du vin mais la qualité n’est pas forcément au rendez-vous. Des bouteilles à deux ou trois euros, ce n’est pas franchement sérieux. Personnellement, je ne conseille pas d’aller dans les hard discount.
Dans les enseignes de supermarchés classiques, la qualité, en revanche, s’est bien améliorée au fil des années. Je travaille pour la sélection des foires au vins de grandes enseignes dans la région parisienne. J’ai goûté 3 000 échantillons cette année et je peux vous dire que j’ai eu du mal à en éliminer tellement la qualité était bonne.
Les grandes enseignes ont une force de frappe et le moyen de faire pression sur les vignerons du fait des quantités qu’elles demandent. C’est ce qui est intéressant pour le consommateur.
« Pour faire du champagne à 10 euros, il faut forcément tricher »
Les foires aux vins, bon coup ou pas ?
Ce que l’on peut dire concernant les foires aux vins, c’est qu’il y a certains grands crus qui sont interdits de GDE (grandes surfaces). C’est un choix. Pour les premiers crus par exemple, il n’y a plus de clients en France. Je travaille avec une cave dans l’Oise qui avait des grands crus type La Tour, Lafitte, Cheval Blanc, etc. Elle a décidé de ne plus en prendre car elle ne les vend plus au public français.
Pour le public étranger, notamment les Chinois, là c’est autre chose. Dans les grandes surfaces traditionnelles, on peut aujourd’hui trouver des vins de très grande qualité à des prix raisonnables.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaiteraient acheter du vin lors de cette rentrée ?
Pour le champagne, par exemple, il faut avant tout se renseigner sur la provenance du produit et savoir comment il est fait. Le champagne qui est vendu dans certains hard-discount est "dégueulasse". Pour faire du champagne à 10 ou 11 euros, il faut forcément tricher. Le kilo de raisin vaut déjà à lui seul 6,50 euros. Il faut ajouter à cela le travail, la bouteille, le bouchon…
Comment sortir un champagne à 10 ou 12 euros, voire à 9,95 euros ? Ils sont obligés de prendre des tailles et de viser des deuxièmes pressées. Et quand on presse une deuxième fois, tout ce qu’on obtient c’est ce qui est vert et pas assez mûr. On va doser ensuite le champagne pour masquer la maigre qualité mais ça le consommateur ne le sait pas !
"La quantité ne sera pas là mais la qualité, elle, sera bien au rendez-vous"
Et que dire du millésime 2019 ?
Le raisin a connu un stress hydrique avec la canicule. La quantité ne sera pas là mais la qualité, elle, sera bien au rendez-vous ! Mon beau-frère qui travaille dans le Bordelais estime qu’ils ont eu une année exceptionnelle.
D’autres secteurs comme le Beaujolais ne peuvent pas en dire autant avec les épisodes de gel et de canicule.
Que pensez-vous du vin bio ?
Je ne suis pas convaincu. Les châteaux Pontet Canet ou Palmer ont décidé de partir dans le domaine de la biodynamie. Résultat, l’an passé, au lieu des 50 hectolitres habituels, ils n’ont fait que 9 hectolitres parce qu’ils n’ont pas souhaité faire de traitement. L’oïdium et le mildiou ont fait des ravages. Un ami, viticulteur à Cheverny qui s’est mis au bio, se dit obligé de faire des traitements contre le mildiou ou l’oïdium sinon il ne ferait qu’une toute petite récolte. Sa récolte, c’est sa raison de vivre.
Les clients français regardent de plus en plus les prix notamment dans le bio. Pour la filière traditionnelle, les 1er et 2e crus ont de plus en plus de mal à se vendre en grandes surfaces.
"Il faut goûter avant d’acheter"
Si vous aviez un seul conseil à donner, quel serait-il ?
Le premier conseil que je donnerais à un acheteur, c’est de goûter. Il faut goûter avant d’acheter. Ne vous fiez pas au prix. J’ai une anecdote : à Nantes, dans un hypermarché, j’ai croisé un homme qui avait acheté plusieurs cartons de champagne Laurent Perrier, une bonne marque. Je lui ai posé la question de savoir pourquoi il en avait autant acheté ? Il m’a répondu que sa femme adorait le champagne Laurent Perrier et c’était une affaire. Certes, la bouteille n’était qu’à 19,50 euros (25 ou 30 euros la bouteille à l’époque) mais elle venait d’un vieux stockage en Afrique du Sud...
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