Laval. Docteur Hussein Yassine : "L'hôpital subit une saturation !"

Les chiffres tapent comme le marteau sur son clou. Taux d'occupation des lits d'urgence : 178 %. En cardiologie : 101 %. En neurologie : 112 %, et il serait fastidieux d'en continuer la liste. Comme bon nombre de structures en France, l'hôpital de Laval souffre.

"Un service qui fonctionne bien doit tourner autour de 85 % de taux d'occupation de ses lits", explique, vendredi 10 novembre, le docteur Hussein Yassine, anesthésiste à Laval et président de la Commission médicale d'établissement. L'avenir de l'hôpital est très fortement lié à sa gestion de personnel et sa capacité à "armer des lits". Le principe est simple : un lit d'hôpital ouvert nécessite médecin, infirmières et aides-soignantes. "Nous avons 170 médecins et 650 infirmiers dans l'hôpital : manifestement, c'est insuffisant", constate le docteur.

Cette double crise tant dans le secteur médical que paramédical oblige l'hôpital à se réorganiser pour pallier les manques. "C'est une saturation. Elle s'explique par plusieurs phénomènes. Le premier d'entre eux est le manque d'effectif paramédical, infirmières et aides-soignantes, qui entraîne la fermeture de lits."

Le second phénomène est la pénurie de médecins dans plusieurs services comme les urgences, l'anesthésie, en pédiatrie, en médecine interne… Ici encore, la liste des plaies de l'hôpital est longue.

"Chaque service se bat pour trouver des lits pour les patients"

"En 2050, plus de cinq millions de personnes auront plus de 85 ans", continue le docteur Yassine, qui craint que "le phénomène s'aggrave dans les années à venir avec le vieillissement de la population". En 2022, l'hôpital a accueilli 28 323 passages aux urgences, 12 000 aux urgences pédiatriques, 1 227 naissances et 33 000 séjours en médecine, chirurgie et obstétrique. Comme le reste des services, les soins de suite et de réadaptation sont saturés.

À l'heure actuelle, "80 patients peuvent sortir de l'hôpital mais restent ici car ils n'ont aucun point de chute", et ce malgré le développement de l'hospitalisation à domicile et des hébergements temporaires pour personnes âgées. C'est ce qui s'appelle dans le jargon médical le phénomène des "bed blockers", c'est-à-dire des "patients qui restent à l'hôpital sur de longues durées alors qu'ils pourraient normalement sortir".

Libérer des lits pour accueillir les malades, c'est le casse-tête du personnel soignant qui, avec des taux d'occupation aussi élevés, n'assure plus aussi efficacement la qualité des soins. Sans compter que cette saturation permanente a un impact sur le moral des équipes : stress, nervosité, "pénibilité, charge mentale, tensions et fatigues, énumère le docteur. Chaque service se bat pour trouver des lits pour les patients".

Une solution départementale pour les urgences

L'hôpital de Laval milite pour un renforcement de la coopération départementale en soulageant le plus possible les urgences. Ces services sont au nombre de trois sur le département : Mayenne, Laval et Château-Gontier. "Sommes-nous assez forts pour accueillir les urgences 24h/24 ? Non, nous ne le sommes pas et nous devons nous réorganiser à l'échelon départemental", milite le docteur Yassine. Pour lui, "il faut une convergence et une discussion avec un fonctionnement qui soit gagnant-gagnant pour tout le monde, mais surtout pour les patients".

L'idée est de créer un seul pôle d'urgence 24h/24 et concevoir un planning territorial. La création d'une équipe départementale d'urgences pour la nuit agissant sur l'ensemble de la Mayenne est également sur la table. Sont déjà mises en place la régulation par le 116/117 pour les urgences de nuit et la Cellule parcours et ordonnancement (CPO) où une infirmière en charge a une visibilité sur l'ensemble des lits disponibles dans les trois structures du département.

Ces solutions départementales devraient s'accompagner d'une réflexion régionale avec le CHU d'Angers et notamment "la création de postes partagés de médecins, assistants et médecins juniors".