Une jeune femme de 20 ans, brassard de la Croix-rouge autour du bras, descend une côte à toute vitesse sur son vélo. Dans sa poche, des papiers au nom de Claire-Yvonne Marchand. En bas, des soldats allemands contrôlent les passants. Nous sommes en 1943 ou 1944, en pleine Occupation. Le brassard et les papiers sont faux. Claire-Yvonne s’appelle en réalité Gilberte Nissim, elle est juive, résistante et, ce jour-là, elle échappe au pire.
Au péril de sa vie
Cette scène s’est déroulée à Flers mais elle aurait pu prendre place dans le Bocage mayennais, du côté de Landivy ou de Fougerolles-du-Plessis. Gilberte Steg, née Nissim, y a veillé au péril de sa vie sur des enfants juifs parisiens cachés dans des familles mayennaises. Elle s’est éteinte le 26 septembre, dans sa 98e année.
"Nous étions des juifs de Salonique. On est arrivés de Grèce en 32", raconte Gilberte Nissim-Steg en 2003 à Valérie Balluais, alors étudiante en histoire à l’université de Rennes 2, qui réalise un mémoire intitulé Les enfants juifs cachés en Mayenne sous l’Occupation.
Membre des Éclaireurs israélites, une organisation scoute, Gilberte s’engage dans la Résistance en 1943, après l’arrestation de sa sœur Hedy. Elle prend soin des enfants de déportés livrés à eux-mêmes. Puis prend part à une opération consistant à les mettre à l’abri à la campagne.
"J'étais scout ! On était débrouillards"
Son rôle ? Visiter chaque mois les fermes dans lesquelles les enfants sont cachés, pour s’assurer de leur bien-être et verser une pension aux familles d’accueil. Pour cela, elle parcourt l’Orne et la Mayenne sur sa bicyclette. "Je n’étais jamais montée sur un vélo avant, livre-t-elle à Valérie Balluais. Mais on apprend vite. […] J’étais scout ! On était débrouillards."
Dans ces entretiens, elle se rappelle la Mayenne des années 40, dans laquelle elle n’avait jamais mis les pieds. "C’était la campagne. Ça n’avait rien à voir. Ils avaient à manger d’abord. À Paris on n’avait pas. […] Dans les fermes, quand on allait, ils vous donnaient la goutte de calva. Alors une fois je suis sortie d’une ferme complètement vacillante avec mon vélo et mon sac à dos."
"Je n’ai pas eu d’inquiétude"
Lors de ses "tournées", à Landivy ou ailleurs, Gilberte est hébergée par des instituteurs et des curés. "Ils ne posaient pas de question. Ils savaient. […] Je n’ai pas eu d’inquiétudes, pour craindre une dénonciation ou quelque chose."
Après guerre, Gilberte Nissim est devenue gynécologue. Elle a été faite chevalier de la légion d’honneur en 2010. "Ça m’a beaucoup aidée de pouvoir faire ce travail, confiait-elle à Valérie Balluais. Sinon on était planqués derrière une armoire. C’était très difficile de vivre planqué. Alors que vivre ou faire quelque chose, c’était autrement stimulant !"
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